
Jill Lacey, BSc, BSP, ACPR
Jill a obtenu un baccalauréat en pharmacie de l’Université de la Saskatchewan en 2008, puis a suivi un programme accrédité de résidence en pharmacie. Elle travaille dans le domaine de l’hématologie maligne depuis 2010, avec une expérience en milieu hospitalier et ambulatoire. Jill est la pharmacienne principale en hématologie au Saskatoon Cancer Centre depuis 2019.

Joanne Hewitt, PhD, NP
La Dre Joanne Hewitt s’est préparée au doctorat en tant qu’infirmière praticienne en oncologie, spécialisée dans le myélome multiple et les dyscrasies plasmocytaires, au Cross Cancer Institute d’Edmonton, en Alberta. Elle s’intéresse notamment aux activités de recherche, à l’éducation du personnel et des patients, ainsi qu’au mentorat. En 2021, elle a reçu le Prix d’excellence Pfizer en leadership infirmier de l’ACIO (CANO).

Jennifer L. Daley-Morris, RPh, B.Pharm
Jennifer Daley-Morris est actuellement gestionnaire de la pharmacie d’oncologie et de l’ensemble des thérapies systémiques au Stronach Regional Cancer Centre at Southlake à Newmarket, en Ontario.

Judith James, RN, BSc
Judith James est actuellement infirmière coordonnatrice de la recherche au QEII Health Sciences Center à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Judith a 27 ans d’expérience en soins infirmiers dans le domaine de l’hématologie et de l’oncologie et, depuis 10 ans, elle concentre sa carrière sur la recherche en hématologie.

Jonathan Stevens, B.Pharm, ACPR
Jonathan Stevens est diplômé de l’École de pharmacie de l’Université Memorial et a effectué une résidence en pharmacie d’hôpital au Saint John Regional Hospital. Il a une pratique clinique en hématologie ambulatoire axée sur l’éducation des patients, le suivi et la gestion des toxicités. Il travaille à l’obtention de son doctorat en pharmacie à l’Université Memorial.

Olivier Blaizel, B.Pharm
Olivier Blaizel a obtenu son diplôme de l’Université de Montréal en 1996. Après avoir exercé pendant deux ans dans des pharmacies communautaires, il s’est tourné vers la pratique de la pharmacie d’hôpital. Il est maintenant à l’Hôpital Charles-Le Moyne depuis près de 20 ans où il est coordonnateur de la pharmacie d’oncologie depuis 2004. Sa pratique est principalement axée sur les patients ambulatoires, mais il travaille également avec les patients hospitalisés.
Rapport d’experts dans le cadre de la pratique clinique : maîtrise des effets indésirables associés aux nouvelles thérapies dans le myélome multiple récidivant ou réfractaire (MMRR)
Jill Lacey, BSc, BSP, ACPR1, Joanne Hewitt, PhD, NP2, Jennifer L. Daley-Morris RPh, B.Pharm3, Judith James, RN, BSc4,
Jonathan Stevens, B.Pharm, ACPR5, Olivier Blaizel, B.Pharm6
- Pharmacienne principale en hématologie, Saskatchewan Cancer Agency, Saskatoon, Sask.
- Infirmière praticienne, Cancer Care Alberta, Cross Cancer Institute, Edmonton, Alb.
- Gestionnaire de la pharmacie d’oncologie et de l’ensemble des thérapies systémiques, Southlake Regional Health Centre, Newmarket, Ont.
- Infirmière coordonnatrice de recherche, Capital District Health Authority, Halifax, N.-É.
- Pharmacien clinique en hématologie, Saint John Regional Hospital, Saint John, N.-B.
- Pharmacien, Hôpital Charles-Le Moyne, Longueuil, Qc
Introduction
Le myélome multiple (MM) est un cancer hématologique des plasmocytes qui s’accumulent dans la moelle osseuse. Le MM se développe progressivement, à partir d’états prémalins tels que la gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI, MGUS) et le myélome multiple indolent (MMI, SMM).
En 2022, la Société canadienne du cancer a estimé qu’environ 4 000 Canadiens recevront un diagnostic de MM et que 1 650 en seront décédés1. Au fil des ans, le taux de survie des patients s’est amélioré avec le développement de nouvelles stratégies de traitement, notamment : les inhibiteurs du protéasome (IP), les agents immunomodulateurs (IMiD), les anticorps ciblés et les thérapies cellulaires, ainsi que l’inhibiteur sélectif de l’exportation nucléaire (ISEN, SINE). En plus, des associations de médicaments sont utilisées. Bien qu’un certain nombre de patients obtiennent une réponse durable après une chimiothérapie à haute dose et une autogreffe de cellules souches (AGCS), le MM reste un cancer hématologique incurable; la majorité des patients rechuteront et développeront finalement une maladie réfractaire (MMRR).
Il a été démontré que les milieux collaboratifs dans lesquels les pharmaciens travaillent avec les hématologues/oncologues, les infirmières praticiennes et les équipes de soins de soutien, améliorent l’adhésion au plan de traitement2. La prescription de prophylaxie appropriée, en combinaison avec diverses stratégies de traitement, peut réduire le nombre et la durée des retards de traitement2. Il a été démontré que l’intensification des soins cliniques et pharmaceutiques, y compris la gestion des médicaments et le conseil structuré aux patients sous traitement anticancéreux oral, permettent de réduire le nombre d’erreurs de médication et les effets indésirables graves, tout en améliorant l’expérience thérapeutique du patient3. Le personnel infirmier joue un rôle essentiel dans la prise en charge des toxicités alors qu’il éduque, soutient et défend les intérêts des patients4.
Ce rapport traite de la maîtrise des effets indésirables (EI) liés tant aux agents établis qu’aux nouvelles thérapies, pour une prise en charge optimale des patients atteints de MMRR (voir Tableau 1). Les thérapies établies, de même que les nouvelles thérapies, sont souvent utilisées en association, ce qui présente un risque de chevauchement des toxicités. Les associations thérapeutiques optimales, y compris le séquençage des différents schémas, restent à déterminer. La recherche fondamentale et les essais cliniques avec les médicaments expérimentaux sont en cours afin d’améliorer à la fois la profondeur et la durée de la réponse chez les patients nouvellement diagnostiqués, et chez ceux atteints de MMRR, dans le but de trouver les meilleures options thérapeutiques pour chaque patient.
Méthodologie
- La littérature pertinente pour ce cadre de travail a été identifiée par les auteurs experts.
- Les thérapies retenues ont été sélectionnées en fonction de leur disponibilité et de leur approbation au Canada.
- Les stratégies de gestion ont été basées sur la littérature pertinente et l’expérience clinique des auteurs experts.
Les inhibiteurs du protéasome (IP)
Le bortézomib est un IP de première génération qui peut être utilisé en monothérapie, mais qui est généralement associé à la dexaméthasone, à la chimiothérapie, aux IMiD (lénalidomide et pomalidomide) ou à de nouveaux agents comme le daratumumab et le sélinexor. Les EI les plus fréquemment associés au bortézomib sont hématologiques, tels que la thrombocytopénie (43 %), l’anémie (32 %), ainsi que gastro-intestinaux, notamment les nausées (64 %), les vomissements (36 %), l’anorexie (43 %), la constipation (37 %; souvent au début du traitement) et la diarrhée (51 %; souvent plus tard au cours du traitement). De plus, les patients peuvent présenter une fatigue (65 %), une neuropathie périphérique (NP; 37 %), une pyrexie (36 %), un œdème périphérique (25 %), une dyspnée (22 %) et une réactivation du virus herpès zoster (13 %) pour laquelle une prophylaxie antivirale est nécessaire5.
La neuropathie périphérique est une toxicité qui peut limiter la dose. La NP a un impact négatif sur la qualité de vie (QdV) et les activités quotidiennes des patients, et peut se présenter sous forme d’hyperesthésie, d’hypoesthésie, de paresthésie, de douleur neuropathique ou de faiblesse neuropathique5. Le risque de NP a été diminué par l’administration du médicament par voie sous-cutanée (s.c.) plutôt que par voie intraveineuse (i.v.), et par l’administration d’une dose hebdomadaire au lieu de deux doses chaque semaine, comme cela était décrit à l’origine. Il a été démontré que ce changement dans le mode d’administration n’avait pas d’incidence sur l’efficacité6. Par contre, avec la voie d’administration sous-cutanée, jusqu’à 33 % des patients développent quand même une NP avec le bortézomib. Ceci peut limiter l’utilisation future du bortézomib dans d’autres lignes de traitement ou l’utilisation d’autres médicaments qui provoquent également une NP. Il est essentiel que les patients sachent qu’ils doivent avertir leur équipe soignante s’ils développent une douleur neuropathique, car celle-ci peut survenir soudainement.
Par conséquent, pour une maîtrise optimale de la NP, l’éducation des patients, les évaluations neurologiques et les résultats rapportés par les patients (PRO) avant le traitement et après chaque cycle de traitement permettent une détection et une prise en charge précoces, alors que les symptômes ont plus de chances d’être réversibles5. L’arrêt ou la réduction de la dose de bortézomib peut supprimer ou atténuer les symptômes. La gabapentine et la prégabaline sont souvent utiles pour traiter les symptômes. La duloxétine peut également améliorer la douleur et la QdV des patients. Les interventions non pharmacologiques telles que l’acupuncture, l’exercice, la neurostimulation électrique transcutanée et la physiothérapie peuvent être utiles pour gérer la NP. Il est important d’exclure les carences en vitamine B12, en magnésium et en potassium7.
Le carfilzomib et l’ixazomib sont des IP de deuxième génération, qui ont moins d’activité hors cible que le bortézomib8,9. Le carfilzomib est cependant associé à des cardiotoxicités, dont la plupart sont réversibles, telles que l’hypertension (chez 67,4 % des patients, dont 34,8 % de grade ≥ 2), l’insuffisance cardiaque congestive et la coronaropathie, avec 12 % des patients qui présentent une réduction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) de ≥ 20 %8,10,11. La posologie hebdomadaire, plutôt que la posologie deux fois par semaine, diminue le risque de toxicités cardiovasculaires et présente l’avantage supplémentaire de diminuer les visites du patient au centre de traitement. Le risque de complications cardiovasculaires est plus élevé chez les personnes ayant des antécédents de maladies cardiovasculaires, alors qu’aucune association n’a été observée concernant la dose, la durée de la perfusion ou les traitements précédents8. Par conséquent, le risque cardiovasculaire des patients doit être évalué avant le début du traitement8. Dans le cas de l’hypertension, une surveillance régulière de la pression artérielle et de la surcharge liquidienne avant chaque perfusion est nécessaire10.
Lorsque des toxicités cardiovasculaires apparaissent, les patients doivent être évalués de manière appropriée. Le traitement par carfilzomib et l’administration de liquide doivent être temporairement interrompus pour les toxicités de grade ≥ 2, un traitement de soutien, tel que des antihypertenseurs, doit être mis en place, ainsi que des électrocardiogrammes (ECG) en série lorsque nécessaire. La plupart des patients peuvent être retraités à des doses plus faibles (en diminuant d’un niveau de dose), avec un temps de perfusion d’au moins 30 minutes. Les toxicités cardiovasculaires peuvent cependant réapparaître chez certains patients, après la réduction de dose. Dans cette situation, le traitement par cet IP doit être interrompu définitivement8,10,12.
Une toxicité rénale a été rapportée avec le carfilzomib chez environ 17 % des patients. Cette toxicité peut consister en une microangiopathie thrombotique, une albuminurie et une insuffisance rénale aiguë. L’arrêt et la réduction de la dose peuvent être nécessaires pour maîtriser cette toxicité8,13. Un bolus de chlorure de sodium de 250 à 500 ml, avant et après la dose, doit être administré au cycle 1 afin de prévenir les toxicités rénales et les réactions liées à la perfusion. Si des toxicités cardiovasculaires apparaissent ou si le patient présente un risque plus élevé d’insuffisance cardiaque congestive, les bolus doivent être arrêtés après le cycle 1. Les patients présentant un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) < 30 ml/min, attribué à l’IP, doivent recevoir une réduction de dose14. Le bortézomib peut être administré en toute sécurité aux patients sous dialyse14.
Points importants à reternir :
- L’IP de première génération, le bortézomib, est associé à des EI hématologiques et gastro-intestinaux
- Le bortézomib peut provoquer une neuropathie périphérique qui limite la dose
- Les IP de deuxième génération, le carfilzomib et l’ixazomib, ont moins d’effets hors cible que le bortézomib
- Le carfilzomib est associé à des cardiotoxicités réversibles.
Les agents immunomodulateurs (IMiD)
La lénalidomide et la pomalidomide sont des IMiD qui sont des analogues structurels de la thalidomide, avec un profil d’EI amélioré, notamment au niveau de la constipation, de l’anxiété et de la fatigue15,16. Les EI les plus fréquents sont les suivants : éruption cutanée, diarrhée, constipation, neutropénie, anémie, thrombocytopénie, infection et fatigue17. Les IMiD ne sont disponibles au Canada que dans le cadre de programmes de distribution contrôlée afin de prévenir l’exposition à l’embryon et au fœtus.
Les EI fréquents liés à l’utilisation du lénalidomide sont la neutropénie et la thrombocytopénie. Elles peuvent être gérées par des modifications de la dose et de la posologie. Les personnes atteintes de neutropénie grave ou de neutropénie fébrile peuvent être traitées par un facteur stimulant les colonies de granulocytes (G-CSF, filgrastim)4.
La fatigue peut être prise en charge par une éducation à l’hygiène du sommeil, une évaluation des troubles du sommeil, un programme d’exercices, le traitement de l’anémie et l’utilisation de facteur de croissance4.
Les éruptions cutanées peuvent être traitées par des crèmes stéroïdes topiques et des antihistaminiques. Dans les cas graves, on traitera par des protocoles de modification et d’interruption de doses, ou des protocoles de désensibilisation17.
La diarrhée induite par la lénalidomide est liée à une malabsorption des sels biliaires et, à ce titre, répond bien aux agents séquestrants des acides biliaires, tels que la cholestyramine ou le colésévélam17.
Des toxicités pulmonaires, bien que peu fréquentes, ont été rapportées chez des patients recevant des IMiDs. Ces toxicités peuvent se développer brusquement, à tout moment après le début du traitement. Les patients présentant une toxicité pulmonaire peuvent être maîtrisés par l’arrêt de l’IMiD et/ou par un traitement par corticostéroïdes. Des antibiotiques empiriques doivent être mis en place jusqu’à ce que les causes infectieuses soient exclues. Les symptômes disparaissent généralement à l’arrêt de l’IMiD15. Si l’équipe soignante estime que la reprise est sans danger, le traitement par IMiD doit être repris à une dose plus faible.
Les patients traités par thalidomide, lénalidomide ou pomalidomide, en association avec des stéroïdes et des agents cytotoxiques, présentent un risque plus élevé d’événements thromboemboliques veineux (ETEV). L’utilisation concomitante d’agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) augmente également le risque de TEV chez les patients traités par IMiD. Le risque doit être évalué chez les patients et une thromboprophylaxie doit être mise en place avant le traitement. L’intervention pharmacologique spécifique recommandée (AAS à faible dose, héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou warfarine) dépendra de l’évaluation des facteurs de risque de chaque patient. Pour les patients déjà sous anticoagulation, ils doivent conserver la même posologie et le même schéma thérapeutique. Des interventions additionnelles peuvent être recommandées, telles que des dispositifs de compression séquentielle, des bas anti-embolie et de l’exercice. Les patients qui développent une thromboembolie veineuse (TEV) alors qu’ils sont sous prophylaxie doivent recevoir des doses thérapeutiques d’HBPM, de warfarine ou d’anticoagulants oraux directs, et l’utilisation d’IMiD doit être suspendue. Une fois la stabilité clinique rétablie, l’utilisation d’IMiD peut être poursuivie à la dose initiale ou à une dose plus faible, en fonction de l’évaluation du risque. L’anticoagulation thérapeutique doit être poursuivie aussi longtemps que les patients sont sous traitement pour le MM4,7,12. De plus, l’orientation du patient vers un programme de thrombose associée au cancer peut être envisagée, s’il existe.
Le risque de second cancer primitif est accru chez les personnes traitées par lénalidomide dans des contextes spécifiques, comme lorsque la lénalidomide est utilisée après de hautes doses de melphalan pour une AGCS et lorsque le melphalan est administré en association avec la lénalidomide. Dans les autres contextes, il n’y a pas d’augmentation du risque de cancer secondaire avec la lénalidomide. Toutefois, ce risque est multifactoriel et n’est pas uniquement attribuable au traitement18.
Points importants à retenir :
- Les IMiD, lénalidomide et pomalidomide, sont associés à des EI hématologiques et gastro-intestinaux. La neutropénie est fréquente chez les patients sous lénalidomide
- Des toxicités pulmonaires peuvent survenir lors de l’utilisation des IMiD
- Les IMiD associés aux stéroïdes et aux agents cytotoxiques augmentent le risque d’événements thromboemboliques veineux
Les anticorps monoclonaux
Les anticorps anti-CD38
Le daratumumab, premier d’une nouvelle classe, est un anticorps monoclonal de type IgG1 qui cible le CD38. En raison de l’expression du CD38 sur diverses cellules immunitaires (p. ex. les plasmocytes, les cellules tueuses naturelles [NK]), le traitement par cet anticorps altère l’immunité cellulaire et humorale, et augmente le risque d’infection. Trente-neuf pour cent (39 %) des patients développent des infections après le traitement, et elles peuvent être virales, bactériennes ou une combinaison des deux19.
Par conséquent, l’utilisation d’un traitement antimicrobien en prophylaxie des infections devrait être envisagée pour tous les patients sous anticorps anti-CD38. Une prophylaxie contre le zona devrait être systématiquement utilisée, et les patients devraient être éduqués sur la prévention des infections et surveillés activement pour les infections19,20. D’autres considérations dans la prise en charge sont les vaccins administrés avant le début du traitement, lorsque cela est possible, et le remplacement prophylactique mensuel par immunoglobulines (Ig) sous-cutanées ou intraveineuses, qui est recommandé pour ceux qui ont ≥ 2 infections par an4,7. Les vaccins ciblant la grippe saisonnière doivent être envisagés, même si les patients sous traitement peuvent avoir des réponses réduites à ce vaccin. De plus, les patients doivent être vaccinés contre le Streptococcus pneumoniae, l’Haemophilus influenza de type b et, pendant la pandémie actuelle de COVID-19, les vaccinations contre le SRAS-CoV-2 doivent également être envisagées, bien que les informations actuelles disponibles sur l’efficacité soient limitées. Même lorsque les patients reçoivent le vaccin Shingrix, une prophylaxie antivirale contre l’herpès zoster est conseillée car la vaccination est moins efficace chez les patients immunodéprimés7.
Le daratumumab peut être utilisé en association avec un IP, un IMiD et la dexaméthasone. L’isatuximab est un autre anticorps monoclonal anti-CD38 qui est utilisé en association avec la pomalidomide et la dexaméthasone. Les associations à base d’isatuximab sont généralement bien tolérées et présentent des profils de toxicités maîtrisables20,21. Les infections respiratoires (infection des voies respiratoires supérieures (55 %), pneumonie (30 %) et bronchite (25 %)) sont également fréquentes avec l’isatuximab et peuvent s’accompagner de dyspnée20.
Les réactions liées à la perfusion sont relativement fréquentes (45 à 50 %) et surviennent presque toujours lors de la première perfusion i.v. de daratumumab ou d’isatuximab. Les réactions liées à la perfusion peuvent être maîtrisées par un traitement avant et après la perfusion avec des antihistaminiques, des corticostéroïdes, du montélukast, des bêta-2 agonistes à courte durée d’action et de l’acétaminophène21. Pour soulager les symptômes liés à la perfusion initiale, il est possible, en plus des médicaments mentionnés ci-dessus, de ralentir le débit ou de suspendre la perfusion. Une autre option, de plus en plus utilisée, consiste à administrer le daratumumab par voie s.c., ce qui est pratique puisqu’il ne prend que quelques minutes à administrer et s’est avéré non inférieur à l’administration par voie i.v., tout en réduisant significativement les réactions liées à la perfusion de grade 321.
Pour les patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), l’utilisation de bronchodilatateurs à courte et longue durée d’action et de corticostéroïdes inhalés après l’injection doit être envisagée, ainsi qu’un prétraitement avec le montélukast22.
Les autres EI associés au daratumumab sont principalement hématologiques, notamment l’anémie, la neutropénie, la thrombocytopénie, la fatigue et la pyrexie21. Puisque les traitements par daratumumab et isatuximab interfèrent avec les tests de compatibilité sanguine, en raison de l’expression du CD38 sur les globules rouges, le phénotypage des globules rouges est recommandé, avant le début du traitement, afin de prévenir les retards lorsque des transfusions sanguines sont nécessaires pendant le traitement. Les événements cardiovasculaires comprennent l’hypertension et l’insuffisance cardiaque12,22. L’utilisation du filgrastim peut être envisagée pour traiter la neutropénie.
Le risque de second cancer primitif est augmenté chez les patients recevant des traitements d’association à base d’isatuximab ou de daratumumab, avec un risque de cancer de la peau de 4 % pour ceux qui reçoivent ce traitement, alors que ce risque est de 1,5 % pour tous les patients, quelle que soit la modalité de traitement. Le risque d’autres tumeurs solides est de 1,8 % contre 1,5 % pour tous les patients20,22. Il est important que les patients et les professionnels de santé soient conscients de ce risque, qu’ils encouragent les dépistages annuels de cancer et que les patients reçoivent un traitement approprié pour tout second cancer primitif.
Le bélantamab mafodotine
Le bélantamab mafodotine est un conjugué anticorps-médicament, premier de sa classe, qui cible l’antigène de maturation des cellules B (BCMA) et ayant une spécificité élevée pour les cellules du MM. Le bélantamab mafodotine n’est pas approuvé par Santé Canada, mais il est actuellement disponible dans le cadre du programme d’accès spécial de Santé Canada pour les patients qui ont déjà été traités avec au moins quatre lignes de traitement antérieures. L’anticorps libère sa charge utile cytotoxique, le maléimidocaproyl monométhyl auristatine F (MMAF), directement dans les cellules du MM, ce qui induit l’apoptose des cellules tumorales23.
Les effets indésirables associés à ce médicament comprennent les toxicités oculaires, la thrombocytopénie, l’anémie, les réactions liées à l’infusion, la pyrexie et le risque fœtal23.
Les toxicités oculaires comprennent la maladie de la cornée (p. ex. kératopathie, microkystes), des modifications de l’acuité visuelle, une photophobie et une vision floue. Il existe un risque élevé (≥ 20 %) de kératopathies. Les patients doivent donc subir un examen ophtalmologique par un ophtalmologiste ou un optométriste, avant (examen de base) et pendant le traitement (avant chaque cycle si nécessaire), afin de déterminer la vision de base et de surveiller les éventuels effets indésirables sur les yeux23,24. Il est essentiel que les hématologues, les oncologues et l’ensemble de l’équipe soignante, soient conscients de ce risque oculaire, que les patients soient informés de ce risque et que les symptômes soient surveillés et évalués avec précision. Les lentilles de contact ne doivent pas être portées pendant le traitement. En cas de toxicité, notamment une vision floue, des yeux secs ou des ulcères cornéens, un examen ophtalmologique doit être effectué et la posologie doit être réduite ou interrompue en fonction de l’EI le plus grave. D’après notre expérience clinique, l’interruption du traitement peut être longue (4 à 5 mois) avant que les résultats de l’examen ophtalmologique ne reviennent aux valeurs de base. Les interruptions de dose permettront la régénération des cellules épithéliales de la cornée. Des modifications de dose peuvent être effectuées sur la base de l’échelle d’acuité visuelle et de kératopathie (KVA), qui est disponible dans les informations de prescription du bélantamab mafodotine. De plus, des gouttes lubrifiantes sans agent de conservation peuvent être utilisées. Toutefois, ces gouttes sont coûteuses et l’expérience clinique montre que les patients ont tendance à réduire la posologie pour réduire le coût. Parmi les autres options thérapeutiques, citons les masques oculaires rafraîchissants ou l’administration de médicaments vasoconstricteurs en début de perfusion, bien que les avantages n’aient pas encore été confirmés. L’utilisation à long terme de stéroïdes topiques peut provoquer des EI et n’est pas conseillée. La plupart des patients devraient se rétablir des effets indésirables cornéens; 50 % de ces EI disparaissant dans les 35 jours environ7,23-25. Des essais sont en cours pour évaluer différents schémas de traitement et d’adaptations posologiques dans le but de réduire les toxicités oculaires, tout en maintenant l’efficacité.
Points importants à retenir :
- Les anticorps monoclonaux anti-CD38, daratumumab et isatuximab, sont associés à une réduction de la fonction immunitaire et à un risque accru d’infections
- Les réactions liées à la perfusion sont fréquentes avec le daratumumab et l’isatuximab, et elles se produisent principalement lors de la première perfusion
- Le bélantamab mafodotine est associé à un risque élevé de toxicité oculaire
Le sélinexor
Le sélinexor est un inhibiteur oral sélectif de l’export nucléaire (SINE), premier de sa classe, qui fonctionne en se liant à l’exportine 1 (XPO1). XPO1 est impliquée dans le transport cellulaire de protéines suppressives de tumeurs (PST) telles que p53 et d’ARNm codant pour des protéines oncogéniques. L’inhibition de XPO1 entraîne une accumulation de PST dans le noyau, un arrêt du cycle cellulaire et l’apoptose des cellules cancéreuses. Le sélinexor est indiqué en association avec le bortézomib et la dexaméthasone (SVd) pour le traitement des patients adultes ayant reçu au moins un traitement antérieur. Au moment de la publication de ce rapport d’experts, l’ACMTS (CADTH) a recommandé le remboursement du sélinexor. Il est disponible via un programme d’accès au marché pour l’indication approuvée et est remboursé par certains assureurs privés. Cette approbation a été fondée sur les données de l’étude BOSTON, dans laquelle la dose de bortézomib a été administrée chaque semaine, afin de réduire le risque de neuropathie périphérique. Le traitement par sélinexor (100 mg/semaine), bortézomib (1,3 mg/m2/semaine) et dexaméthasone (20 mg deux fois/semaine) a permis d’obtenir un taux de réponse global (TRG) de 76,4 % et une survie sans progression (SSP) médiane de 13,93 mois, contre 9,46 mois pour le doublet bortézomib et dexaméthasone27. Dans une analyse exploratoire de sous-groupe de l’étude BOSTON, l’efficacité de sélinexor a été observée dans plusieurs sous-groupes patients, incluant ceux avec de l’insuffisance rénale, chez les personnes âgées et les patients frêles, de même que chez ceux qui avaient déjà reçu de la lénalidomide, du bortézomib, du carfilzomib, de l’ixazomib et du daratumumab28. De plus, une sous-analyse comparant la population de patients présentant une cytogénétique à haut risque (présence de del[17p], t[4;14], t[14;16] et ≥ 4 copies d’amp1q21; N = 70) à celle présentant un risque standard (N = 261), a révélé un profil d’EI similaire, tout en montrant une efficacité. Dans la population à haut risque, la SSP médiane était de 12,91 mois (contre 8,61 mois pour le Vd), et le TRG était de 78,6 % (contre 57,7 % pour le Vd). La SSP et le TRG étaient similaires à ceux de la population à risque standard (SSP de 16,62 mois, TRG de 75,2 %). Ces données suggèrent que ce régime à base de sélinexor peut possiblement être utilisé efficacement dans les populations de MM difficiles à traiter29.
Le traitement par sélinexor nécessite des soins de soutien, avec des effets indésirables tels que la fatigue, les nausées, la diminution de l’appétit, de même que l’hyponatrémie qui requiert une surveillance des électrolytes30. Cependant, avec des soins de soutien appropriés et une modification de la posologie selon les EI, les régimes incluant du sélinexor sont tolérés et efficaces.
Une approche proactive est nécessaire pour gérer les toxicités gastro-intestinales, car ces symptômes peuvent s’intensifier rapidement. La prévention prophylactique des nausées est plus efficace que l’administration d’antiémétiques après l’apparition des symptômes. On suggère d’utiliser à titre prophylactique des antagonistes des récepteurs 5-HT3, ainsi que de l’olanzapine et/ou un antagoniste des récepteurs NK1, ou l’Akynzeo® (association d’un antagoniste des récepteurs 5-HT3 (palonosétron) et d’un antagoniste des récepteurs NK1 (nétupitant)). Les antiémétiques peuvent être réduits progressivement ou interrompus au fil du temps, mais ils sont particulièrement utiles au cours des deux premiers cycles30.
Une perte de poids peut survenir chez un petit sous-groupe de patients; il faut demander aux patients de se peser quotidiennement et d’informer leur professionnel de la santé s’ils perdent du poids. Les interventions comprennent un enseignement aux patients sur la nutrition et une incitation à consommer des aliments et des collations riches en calories pour maintenir leur poids. Des suppléments, comme les boissons nutritives, peuvent être ajoutés si l’appétit et le poids ne peuvent être maintenus. Les stimulants de l’appétit ne sont pas recommandés, mais peuvent être envisagés. Une consultation avec un ou une diététiste-nutritionniste peut être utile pour renseigner le patient et faire un suivi, afin de prévenir et traiter la perte de poids.
Dans l’étude de phase III évaluant le sélinexor, le bortézomib et la dexaméthasone, les réductions de dose étaient courantes avec 126/195 sujets ayant subi des réductions de dose par rapport au protocole original de 100 mg/semaine de sélinexor. La dose moyenne reçue par les patients dans l’étude BOSTON était de 80 mg/semaine. L’efficacité a été observée dans ce sous-groupe de patients recevant XVd et ayant subi des réductions de dose XVd. La durée médiane du traitement (34,5 semaines contre 20,0 semaines), la SSP médiane (16,6 mois contre 9,2 mois) et le TRG (81,7 % contre 66,7 %) étaient plus élevés dans le groupe ayant reçu des réductions de dose. Les EI du système gastro-intestinal ont diminué après la réduction de la dose, notamment les nausées (31,6 % vs 7,3 %), la diminution de l’appétit (21,5 % vs 6,4 %), la diarrhée (12,9 % vs 5,2 %) et la perte de poids (9,0 % vs 5,9 %)32. Par conséquent, des réductions de dose peuvent être utilisées pour gérer les toxicités tout en maintenant une efficacité dans les réponses aux effets indésirables (Figure 1). La dose et le schéma d’administration peuvent être modifiés.

Figure 1 : Étapes pour les ajustements de dose de sélinexor en présence d’effets indésirables lorsqu’il est associé au bortézomib et à la dexaméthasone31.
Une hyponatrémie peut survenir et peut être prévenue par un apport liquidien adéquat. Pour contrôler l’hyponatrémie, des comprimés de sodium, des boissons ou des aliments contenant du sel peuvent être utilisés, ou une solution saline i.v. dans les cas graves. Le traitement par le sélinexor doit être interrompu lorsque le taux de sodium chute en dessous de 130 mmol/L et repris à un niveau de dose inférieur lorsque ce taux est corrigé30.
La toxicité hématologique la plus fréquente est la thrombocytopénie, qui doit être surveillée par des analyses de laboratoire régulières. Les patients doivent être informés de la nécessité de surveiller les saignements et d’informer leur professionnel de la santé de toute préoccupation. Si nécessaire, des transfusions de plaquettes peuvent être administrées. La thrombocytopénie survient de façon dose-dépendante. Par conséquent, l’interruption et/ou la réduction de la dose peuvent diminuer la gravité de cette toxicité. Si nécessaire, des transfusions de globules rouges peuvent être administrées en cas d’anémie symptomatique. Les interventions pour la neutropénie comprennent l’utilisation de filgrastim et/ou des réductions de dose de sélinexor en cas de toxicité de grade 3 ou 424,30.
Des informations aux patients sur l’exercice et l’hygiène du sommeil sont essentielles pour traiter la fatigue et l’asthénie. Des stimulants tels que le méthylphénidate peuvent être envisagés30.
L’association du sélinexor avec d’autres médicaments, y compris le bortézomib, présente des profils d’innocuité similaires à ceux des agents uniques. Les mêmes stratégies suggérées pour chacun des médicaments pris individuellement devraient être utilisées pour gérer les toxicités dans les schémas d’association33,34.
Points importants à retenir :
- Le sélinexor est un nouvel inhibiteur oral de l’exportine 1
- Les toxicités du système gastro-intestinal sont fréquentes et nécessitent une approche proactive
- L’administration hebdomadaire de sélinexor et de bortézomib dans le régime SVd a amélioré la tolérance comparativement à une administration bihebdomadaire
- Les modifications de dose, y compris les réductions de dose, peuvent être utilisées pour gérer les toxicités, sans compromettre l’efficacité
- Les analyses exploratoires de sous-groupes ont permis d’observer l’efficacité du traitement dans les populations à haut risque (y compris la del17p) et difficiles à traiter, comme les patients âgés et/ou frêles, ainsi que ceux souffrant d’insuffisance rénale et ceux réfractaires à la lénalidomide.
La thérapie par lymphocytes T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T)
La thérapie par cellules CAR-T anti-BCMA, idécabtagène vicleucel, a été approuvée pour le MMRR et d’autres thérapies par cellules CAR-T anti-BCMA sont en cours de développement clinique. Le traitement par cellules CAR-T est généralement offert dans des centres spécialisés, mais pourrait s’étendre à d’autres centres à l’avenir. Comme cette thérapie peut s’accompagner d’effets indésirables importants, l’évaluation de l’admissibilité du patient doit inclure : les antécédents médicaux, l’état de performance, l’âge, l’espérance de vie, les infections, les traitements antérieurs et les antécédents d’atteinte du système nerveux central, et ce, afin de s’assurer d’un bon état général du patient.
Ce traitement nécessite une phase de conditionnement à base de fludarabine et de cyclophosphamide pour induire une lymphodéplétion avant la perfusion de cellules CAR-T. Cette étape entraîne plusieurs complications potentielles telles que la pancytopénie, l’immunosuppression, l’infection, la neurotoxicité, la cystite hémorragique, la péricardite et les néoplasies secondaires. Les atteintes des fonctions rénale et hépatique doivent être gérées par des modifications de dose, et les infections actives doivent être contrôlées avant la lymphodéplétion35.
Un traitement de transition peut être administré entre la leucaphérèse et l’administration des cellules CAR-T (le temps de la fabrication), afin de réduire la charge tumorale, d’améliorer l’efficacité des CAR-T et de réduire les toxicités potentielles associées aux CAR-T. Les traitements de transition peuvent consister en une chimiothérapie à forte ou faible dose, une radiothérapie ou de nouveaux agents. La gestion des EI associés aux thérapies spécifiques doit être envisagée pendant cette période.
Une prémédication, avant la perfusion des cellules CAR-T avec de l’acétaminophène et des antihistaminiques, est recommandée. Toutefois, aucun médicament ne doit être administré en même temps que les cellules CAR-T35. La perfusion des cellules CAR-T de façon ambulatoire peut être réalisée en toute sécurité s’il existe des politiques claires, une infrastructure appropriée, un personnel bien formé et une capacité d’hospitalisation disponible à tout moment. Si cela n’est pas possible, une hospitalisation de 14 jours après la perfusion est recommandée.
Les réactions liées à la perfusion sont rares, mais doivent être traitées selon les symptômes. Les corticostéroïdes doivent être évités sauf en cas de situation critique35.
Les infections actives doivent être contrôlées avant la lymphodéplétion. Après la lymphodéplétion, les patients sont neutropéniques. Par conséquent, lorsqu’une fièvre survient, il faut l’évaluer et la traiter immédiatement par une thérapie antimicrobienne empirique.
Le syndrome de lyse tumorale peut survenir. Il doit être prévenu et géré selon les protocoles locaux établis35.
Le syndrome de relargage de cytokines (SRC) est fréquent (30 à 100 %); avec 10 à 30 % des patients qui présentent un SRC de grade ≥ 3. Les facteurs de risque d’un SRC sévère incluent la charge tumorale, les infections, la dose des cellules CAR-T et l’intensité du régime de lymphodéplétion. Le SRC peut survenir dans les 14 premiers jours après la perfusion et peut durer de 1 à 10 jours. Une antibiothérapie empirique à large spectre i.v. doit être mise en place jusqu’à ce qu’une infection soit exclue. Le SRC doit être pris en charge par des antipyrétiques et des fluides afin de traiter les symptômes, et le tocilizumab avec ou sans corticostéroïdes est le traitement standard. Lorsque deux doses de tocilizumab échouent, la dexaméthasone doit être initiée. Les corticostéroïdes doivent être réduits progressivement et rapidement une fois que le SRC est contrôlé35. Le tocilizumab augmente le risque de sepsis occulte et de perforation gastro-intestinale, deux éléments qui doivent être surveillés. Si le SRC ne répond pas au traitement, les options alternatives incluent le siltuximab et l’anakinra.
Lorsque la fièvre persiste malgré le tocilizumab et que le patient présente une cytopénie avec organomégalie, une hyperferritinémie, un dysfonctionnement hépatique, une coagulopathie et une hypertriglycéridémie, il peut s’agir d’un syndrome de chevauchement SRC/syndrome d’activation des macrophages (SAM), pour lequel l’anakinra peut être utilisé en association avec des corticostéroïdes35.
Le syndrome de neurotoxicité associée aux cellules effectrices immunitaires (ICANS) est moins susceptible de se produire avec le CAR-T anti-BCMA qu’avec d’autres thérapies CAR-T. Les symptômes comprennent des tremblements, une confusion, une agitation, des convulsions, une dysphasie et une détérioration de l’écriture. L’apparition de la première manifestation se situe généralement entre le 3e et le 5e jour après la perfusion et peut se produire en même temps que le SRC. Des cas d’ICANS retardés (> 3 semaines après la perfusion) ont également été rapportés. Le risque d’ICANS de haut grade est plus élevé chez les personnes recevant des produits CAR-T avec des domaines de costimulation CD28 ou des doses plus élevées, et chez celles ayant une charge tumorale plus importante, des conditions neurologiques préexistantes, une thrombocytopénie ou un SRC sévère. Le traitement comprend des corticostéroïdes avec une réduction rapide. Les crises convulsives peuvent être traitées avec du lévétiracétam et des benzodiazépines. Un transfert en unité de soins intensifs peut être nécessaire35.
Des toxicités cardiovasculaires surviennent chez 10 à 20 % des patients. Les facteurs de risque incluent un SRC de grade > 2, une charge tumorale élevée et un dysfonctionnement cardiaque préexistant. Une évaluation cardiovasculaire doit être effectuée avant la perfusion et des stratégies de réduction des risques doivent être mises en place. Les toxicités cardiovasculaires répondent bien au tocilizumab35.
Les infections doivent être traitées rapidement et une prophylaxie est justifiée. Une neutropénie prolongée peut être traitée par le filgrastim35.
Points importants à retenir :
- La thérapie par cellules CAR-T est une nouvelle classe thérapeutique associée à des toxicités spécifiques
- Le syndrome de libération de cytokines est fréquent. Il doit être surveillé et pris en charge avec précision
- Le syndrome de neurotoxicité associé aux cellules effectrices immunitaires est moins susceptible de se produire avec la thérapie CAR-T anti-BCMA actuellement approuvée.
Conclusion
Les nouvelles options thérapeutiques pour le MMRR s’accompagnent de nouveaux défis pour la prise en charge des patients. La maîtrise des toxicités associées à ces thérapies nécessite une approche multidisciplinaire pour relever les nombreux défis (Tableau 1). Un enseignement efficace sur les toxicités potentielles et une prise en charge appropriée permettent d’assurer les meilleurs soins aux patients, de limiter les réductions de dose et les interruptions de traitement. Les pharmaciens et les pharmaciennes, ainsi que les infirmiers et les infirmières, peuvent jouer un rôle crucial dans le conseil aux patients et la mise en place de soins de soutien. Les cliniques virtuelles peuvent fournir un suivi personnalisé efficace et des conseils aux patients2,17. Des essais cliniques sont continuellement en cours et fourniront de nouvelles thérapies, de nouvelles associations de médicaments et de nouvelles séquences de traitement à considérer pour le MMRR.

Tableau 1 : Effets indésirables fréquents et stratégies de maîtrise dans le myélome multiple récidivant ou réfractaire
AcM : anticorps monoclonal; EI: effets indésirables; G-CSF : facteur stimulant les colonies de granulocytes; HBPM : héparine de bas poids moléculaire; ICANS : syndrome de neurotoxicité associée aux cellules effectrices immunitaires; IMiD : agents immunomodulateurs; IP : inhibiteurs du protéasome; MPOC : maladie pulmonaire obstructive chronique; SAM : syndrome d’activation des macrophages; s.c. : sous-cutanée; SRC : syndrome de relargage des cytokines
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